En guise de conclusion…
Le Réseau des femmes des Laurentides se spécialise depuis plus de 25 ans en condition féminine. En tant que regroupement régional, nous bénéficions de l’expertise de nos membres chez qui les femmes vont chercher de l’aide et nous possédons une connaissance approfondie des déterminants sociaux qui façonnent leur vie. Notre rôle est de faire connaître les réalités des femmes, de porter leur voix à un niveau politique et de proposer des solutions qui répondent à leurs besoins et réalités.
Comme nous l’avons vu tout au long du magazine, un grand nombre de femmes de la région font face à des conditions de vie difficiles. Les femmes sont toujours plus nombreuses à vivre dans des conditions de précarité et de pauvreté, particulièrement les mères de famille monoparentale, les femmes seules et âgées, les femmes autochtones, les femmes handicapées, celles qui appartiennent à une minorité visible, les femmes immigrantes et les travailleuses moins scolarisées. Le lien entre la pauvreté, les différentes formes de violences, la santé et l’implication citoyenne des femmes n’est plus à démontrer. Des actions concrètes doivent être posées pour permettre le plein épanouissement des femmes, dans le but de leur éviter d’entrer dans un cercle vicieux ou de les aider à en sortir, le cas échéant.
Parce que les problèmes des femmes et des hommes n’ont pas la même base et, par conséquent, qu’ils nécessitent la recherche de solutions différentes, l’utilisation de l’analyse différenciée selon les sexes (ADS) est primordiale. En ce qui concerne les femmes, nous insistons sur le fait que l’ADS doit être vue sous l’angle de l’approche féministe, qui permet une analyse globale des enjeux qui les concernent. Celle-ci devrait être utilisée de façon systématique par les instances décisionnelles pour permettre une meilleure allocation des fonds et des politiques plus efficaces.
Pourtant, dans une étude récente de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), qui fait état d’une analyse de 192 mesures contenues dans des budgets adoptés, des mises à jour économiques et des énoncés budgétaires rendus publics depuis novembre 2008, on peut lire que : « Ces chiffres démontrent que l’austérité est bien, comme l’indique le Petit Robert, un nom féminin et que les gouvernements successifs n’ont pas appliqué l’analyse différenciée selon les sexes (ADS) à leurs décisions budgétaires. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, en 2006, on inscrivait l’ADS comme outil de gouvernance dans la politique gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes.»1
Des mesures d’austérité qui pénalisent d’abord les femmes
Le contexte politique actuel est source de nombreuses préoccupations pour les groupes de femmes. Les récentes compressions budgétaires imposées par le gouvernement provincial dans les programmes sociaux et les services publics fragilisent l’accès à l’emploi, l’autonomie et la sécurité économique des femmes en concentrant les compressions dans des secteurs où elles sont plus présentes, notamment la fonction publique, le milieu de l’éducation et le réseau de la santé et des services sociaux.
Par ailleurs, on le sait, les abolitions de programmes et les diminutions de services se traduisent, la plupart du temps, par un transfert de responsabilités collectives vers la sphère privée. Ainsi, il est facile de prédire que les femmes reprendront – gratuitement, au risque de s’appauvrir et de s’épuiser – les différentes tâches ayant disparu de l’offre de services de l’État : garde des enfants, accompagnement de personnes malades et aînées, soutien scolaire aux enfants en difficulté, soutien à la famille souffrant de problèmes divers, etc. En bref, le travail invisible des femmes risque fort d’augmenter.
De plus, comme le constate le Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec,
« Les modifications que le projet de loi 28 apporte à la gouvernance municipale en matière de développement local et régional sont incompatibles avec l’atteinte de l’égalité pour les femmes. Le projet de loi prévoit remettre les rênes du développement territorial entre les mains des Municipalités régionales de comté, ce qui équivaut, encore une fois, à écarter les femmes des décisions les concernant. Il faut savoir que les conseils de MRC sont composés exclusivement de maires et de mairesses et que la proportion de mairesses au Québec est de 17,3 %; que sur 104 préfets de MRC au Québec seulement 20 sont des femmes. » Une mauvaise nouvelle qui ne vient pas seule, comme le rappelle à nouveau le Réseau des Tables : « Avec le projet de loi 28, ce sont également les 19 ententes régionales en matière d’égalité pour les femmes qui sont reléguées au néant; ce sont des projets qui visent l’autonomie économique des femmes ou leur représentation dans les lieux de pouvoir qui sont annulés; ce sont des groupes de femmes en région qui voient leur déjà maigre financement menacé. »2.
D’autres mesures d’austérité réduisent également la capacité d’action des organismes voués au soutien aux femmes en difficulté et à la défense de leurs droits, en sabrant différents programmes :
Le programme À égalité pour décider, qui aide les femmes à accéder aux postes de pouvoir, a été amputé de moitié, passant de 1 000 000$ annuellement à 500 000 $. La représentation paritaire des femmes est pourtant loin d’être atteinte!
Le Conseil du statut de la femme a également vu son budget amputé de presque 500 000$. Cette compression a conduit à la fermeture de quatre bureaux régionaux et à la mise à pied de 25 % du personnel. Du coup, elle prive les régions d’une expertise importante en matière de condition féminine.
Les concours régionaux Chapeaux les filles!, qui valorisent le travail de femmes inscrites dans des programmes d’études traditionnellement masculins, ont été carrément suspendus.
Loin d’être neutres, les mesures d’austérité ont donc eu un effet beaucoup plus marqué sur les femmes que sur les hommes. Les chercheurs de l’IRIS, dont l’étude a été citée précédemment, ont constaté qu’un fossé de près de 7 milliards s’est creusé entre les hommes et les femmes depuis 2008. D’une part, les mesures de relance économique ont surtout favorisé les hommes, car elles étaient axées sur le secteur de la construction. Ceux-ci ont bénéficié de 7,2 milliards, contre 3,5 milliards chez les femmes, ce qui signifie que sur toute la période, ils ont profité de 3,7 milliards de plus. D’autre part, en additionnant les coupes générales, les hausses de taxes et de tarifs et les réductions ou gels de salaires, les chercheurs ont également observé que les femmes ont assumé 3,1 milliards de compressions de plus que les hommes.